Les présentes pages ont pour but de faire partager ma passion pour l'aviation et de présenter mes livres.
25 Avril 2022
Un 13/06/1973 : ce n’était pas le jour...
Noria à 4 canon en Mystère IV A
Après avoir obtenu le brevet de pilote de chasse à Tours, je suis muté à l’escadron 1/8 stationné sur la Base Aérienne 120 de Cazaux sur Mystère IV A, afin de suivre la formation OTU (Operational Training Unit) avant le choix de nos futures unités de combat.
S’agissant de l’entraînement au tir, seul le tir air-sol canon faisait partie du programme à cette
époque. Les norias s’exécutaient à 4 avions sur le champ de tir de Captieux sur des cibles équipées de
détecteurs acoustiques, ce qui nous permettait d’obtenir immédiatement nos résultats.
La distance minimum de tir était de 400 m et elle était matérialisée par une ligne blanche au sol.
Le viseur tête haute en air-sol était juste matérialisé par une croix lumineuse harmonisée à 450 m / 450 kt. Il fallait donc intuiter la correction vent.
Plus tard, j’utiliserai avec succès le mode air-air pour tirer en air-sol, car les gyroscopes donnaient une indication en léger virage pour contrer la composante traverse du vent.
Globalement, je me débrouillait bien dans cette discipline.
Sur cet avion, les 2 canons de 30 mm étaient parallèles à nos cuisses, ce qui offrait une sensation très virile lors des passes de tir.
Après tir, le dégagement s’effectuait en 2 temps par un cabré à 4-5 g d’abord puis par un virage à gauche pour éviter les ricochets. De ce fait, les vibrations engendrées par le tir avaient souvent pour effet de déverrouiller la trappe du train avant.
Pour éteindre la lumière rouge afférente, la procédure consistait à cabrer pour atteindre la vitesse de 250 kt , recycler le train, replonger et garder sa place dans la noria pour enchaîner la passe suivante.
Ce jour-là, après 3 passes écoutées, au dégagement de cette dernière la trappe avant s’est déverrouillée.
J’applique la procédure de recyclage du train et replonge plein gaz pour conserver ma place dans la noria ; mon tir s’effectue alors à une vitesse avoisinant les 500 kt.
Dans la première phase en cabré du dégagement je perçois un bruit que j’attribue à un ricochet et je perds immédiatement le contrôle de l’avion.
Le sol est juste en dessous du cockpit et je m’éjecte poignée haute pour sauver ma peau...
Pendant ce très court instant d’éternité, et parfaitement lucide, j’ai le temps de voir une boule de feu en dessous, de constater que j’ai perdu mon casque, une chaussure et un gant, que je trouve le parachute de 40 m2 est étonnamment stable et que le vent fort va me devoir gérer le roulé boulé avant qui est le plus difficile à faire.
Je largue le paquetage de survie retenu par une sangle et effectue cet atterrissage parfaitement.
Une fois au sol, tiré par mon parachute à cause du vent fort, je me libère de celui-ci et j’entends les avions qui quittent le champ de tir.
Grand silence alors, je ne ressent aucune douleur mais je saigne abondamment de la tête et me fait un pansement de fortune avec mon foulard.
Ma combinaison de vol, pantalon anti-g et Maé-West sont en lambeaux ; les écussons et insignes ont disparus mais les cartes de vol sont encore dans les poches basses de l’anti-g !
Il pleut et je m’abrite sous le canot de survie.
L’hélicoptère de Cazaux me récupère 1 h environ plus tard et me dépose à l’hôpital de Bordeaux.
J’ai perdu beaucoup de sang, ma combinaison de vol en est inondée.
Sur la civière à Bordeaux j’entends les gouttes tomber sur le sol et demande instamment que l’on referme la plaie. Ça traîne tant et si bien qu’il faille me faire un extremis une transfusion de sang.
Les copains et amis m’apportent leur soutien.
Les enquêtes de gendarmerie m’apprennent que mon avion a brûlé 4 hectares de broussailles.
Le bureau de sécurité des vols pense que j’ai eu un pitch-up, ce que je réfute.
Pendant mon séjour à l’hosto, plusieurs constatations :
- mon parachute était fendu de moitié (ce qui expliquait sa stabilité)
- Le siège éjectable Martin Baker MK 4 était mal monté et de ce fait mon parachute n’aurait jamais pu s’ouvrir à vitesse moyenne ; le fort vent relatif à l’éjection m’a séparé de mon siège en éclatant le parachute,
- Cela m’a sans doute sauvé la vie !
- Tous les sièges éjectables Martin Baker ont ensuite été révisés avant de remettre en vol les M IV A,
- Le numéro 4 de la patrouille (un libyen) a fait fi de l’interdiction de tir alors que j’étais sous les
bretelles, je ne saurais jamais l’origine de ma blessure à la tête,
- Le gant que j’avais perdu a été retrouvé au sol collé sur la poignée haute d’éjection,
- Mon casque a été retrouvé mais jamais revu ensuite,
- Mon avion a fait une croix dans le sol, réacteur à 15 m de profondeur, le trou a simplement été
rebouché.
Une semaine après, de retour à l’escadron, première mission : noria à 4 En air-sol avec les
commentaires du leader :
- première passe « trop loin » (~ 1000 m)
- deuxième passe « trop loin » (~ 750 m)
- Troisième passe «trop loin » (~ 600 m)
- Quatrième passe, ça suffit, et bingo dans la cible comme les suivantes.
Je termine mon cursus M IV A à Cazaux et enchaîne sur F-100 Super-sabre à Toul-Rosières début septembre.
Épilogue :
5 années passent et je suis alors instructeur combat à Cazaux de nouveau sur Mystère IV A au 1/8 Saintonge.
Étant tireur confirmé je suis désigné pour participer à la coupe « Comète* » avec le commandant d’escadron.
Au cours d’un entraînement en assaut très basse altitude (TBA) se terminant par une passe canon en air-sol sur le champ de tir de Captieux, nous sommes à 450 kt et je suis numéro 2 derrière le leader en « in » alors qu’il ouvre le feu.
À son dégagement, son avion se met en travers à 90 degrés au-dessus de la cible et il le récupère tant bien que mal en montant comme une feuille au vent.
- « lampe rouge train avant, rassemble »
- Au rassemblement je lui indique que sa trappe de train avant est complètement sortie...
- Il sort le train et nous rentrons ainsi nous poser à Cazaux.
‘La trappe de train avant offrait ainsi une prise aérodynamique non prévue par le constructeur et qui naturellement provoquait un déclenché dynamique.
À 450 kt cela pouvait encore être récupérable par un pilote chevronné, au-delà j’y ai eu droit !
L’affaire en est restée là car nous allions bientôt retirer le Mystère IV A du service.
Le plus étonnant de tout cela, c’est le fait que cette trappe de train ouverte tenait le coup à grande vitesse.
Bien découplé et passionné d'aviation
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