Les présentes pages ont pour but de faire partager ma passion pour l'aviation et de présenter mes livres.

Viseur tête haute...

Gilbert Klopfstein (1932-2006) vous connaissez ?

 

J’ai croisé ce génie peu connu, ingénieur aéronautique, il y a longtemps (en 1970) à Toulouse, à l’occasion d’une conférence de mécanique du vol qu’il fit à ma promotion de l’École de l’air , réunie (promotion 1968) dans le grand amphi de Sup’Aéro. A cette occasion, l’homme, grand orateur sympathique , fut si convaincant qu’il ne tarda pas à capter son auditoire (caractère entier, il était jugé « border line » dans le monde militaire, ce qui enchantait nos jeunes esprits frondeurs) en abordant les questions de pilotage sous l’angle de la gestion de "l’énergie totale" (vitesse et altitude). Il proposait une méthode de pilotage des avions originale, considérée comme révolutionnaire (voire dangereuse) par les quelques pilotes expérimentés (je n’étais qu’élève pilote…) installés au premier rang de l’amphi, aux hochements de tête dubitatifs. On allait bientôt piloter les aéronefs au "vecteur vitesse" (plutôt à l’incidence), sachant prévoir ainsi de la façon la plus sûre la trajectoire exacte de l’avion, du décollage au vol, jusqu’au point du toucher des roues à l’atterrissage… le tout grâce à un ingénieux système de visualisation à tête haute, collimaté à l’infini sur la glace frontale du cockpit de l’appareil. L’observation de la chute des flocons de neige sur le pare-brise de son avion, lors d'une finale par très mauvaise visibilité, lui avait inspiré cette nouvelle approche du pilotage.

Les yeux portés loin devant son appareil, surveillant son environnement et ses éléments de vol d’un seul regard, délaissant les instruments traditionnels du tableau de bord, se fiant aux seules indications des paramètres affichés (incidence, vecteur vitesse, vitesse, horizon, maquette, altitude…) sur le prototype des actuels « Head up display », (viseurs à tête haute) l’ingénieur-pilote d’essais à l’EPNER (école des pilotes et ingénieurs d’essais) inventeur brillantissime (Sup’Elec, Sup’Aéro, Ingénieur militaire de l’air) avait pu faire des passages en Mirage IIIE à très faible hauteur (quelques mètres) et à très grande vitesse (450 noeuds) au sommet du Mont Ventoux « sans se planter » (j'en eus des frissons dans le dos). Ceci, et la suite de son propos sur la nécessité d’adopter rapidement sa méthode, ne manqua pas d’étonner et de lancer un intéressant débat entre novateurs et conservateurs...plutôt à voix haute !


Formé comme pilote aux États-unis (à gauche sur la photo), et bien sûr nullement prophète en son pays, il sut convaincre, par la suite, les aviateurs américains de monter son ingénieux système sur les premiers chasseurs F-18 de la Marine, avant qu’il ne soit adopté partout dans le monde par les appareils militaires et commerciaux, jusqu’à la navette spatiale…

Il participa aussi à la conception d'appareils à "stabilité variable" permettant de mener à bien de grands programmes nationaux (Concorde, Breguet 941...)

 

J’ai rencontré par hasard son frère, peu avant sa mort, et évoqué son génie et son caractère bien trempé,  aux mémorables coups de gueule (il n'avait pas que des amis, pas plus chez les pilotes que chez les constructeurs...). J’appris à cette occasion qu’il avait aussi participé au programme d’essais nucléaires aux commandes d'un Mirage IIIE... une raison à ce cancer qui l’emporta si jeune ?

Les récentes propositions du ministre de la Défense pour indemniser les victimes des essais nucléaires ne le concernent peut-être pas, mais m’ont donné l’occasion de me souvenir de cette belle figure que fut Gilbert Klopfstein, père du « viseur tête haute » et rebelle génial auquel nous devons tant.



L'Histoire et les chroniques nous ont appris que les grands esprits créatifs et novateurs s'intégraient mal dans les grandes structures traditionnelles, présentant inévitablement certaines rigidités, et qu'ils se heurtaient souvent à l'incompréhension de leur environnement.
Gilbert KLOPFSTEIN n'a pas échappé à ce cliché et a rencontré, tout au long de sa carrière dans l'administration, de grandes difficultés à faire admettre ses idées, avec en particulier - sauf de rares exceptions - une hostilité marquée de la part des personnels navigants dont il dérangeait les habitudes

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Richard FEESER

Bien découplé et passionné d'aviation
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