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F-104 Starfighter allemand

F-104 Starfighter allemand

Venu est le temps d'une mise au point sur les F-104G de la Bundeswaffe! Dans le Starfighter la force tu reconnaîtras!... En effet, lors d'une publication récente sur la page, mais ce n'était pas la première fois et j'ai l'habitude depuis le temps, les commentaires farfelus sont allés bon train sur le sujet avec évidemment en premier lieu le fameux surnom qui a permis à la presse de l'époque de vendre des tonnes de papier (Et surtout de faire grimper en flèche la courbe des recettes!...), celui de "Witwenmacher" mis en exergue par Der Spiegel...... Le raccourci était éminemment facile, mais forcément racoleur auprès d'un public qui ne connaissait la plupart du temps strictement rien à la chose. Le plus "drôle", c'est que cette réputation perdure aujourd'hui alors que certains spécialistes reconnus et non moins patentés se sont penchés depuis de très près de façon totalement objective, documentée ainsi qu'étayée sur la carrière des "Zipper" Teutons (Et pas que d'ailleurs) avec en premier lieu un Français que j'appréciais énormément pour la pertinence de ses publications qui nous a d'ailleurs malheureusement récemment quitté, j'ai nommé René J Francillon... Je ne vais pas refaire l'historique du F-104 car ce serait beaucoup trop long mais simplement préciser que cette machine atypique est née des RETEX des pilotes Américains suite à la guerre de Corée qui réclamaient à cors et à cris un appareil très rapide, possédant un taux de montée fulgurant puisqu'ils furent systématiquement désavantagés lors des combats aux commandes de leurs Sabre face aux Mig-15 dans ces domaines. Lockheed apporta la réponse en 1954 avec un appareil qui ne ressemblait à aucun autre, semblé sorti tout droit d'un roman de SF, qui possédait des caractéristiques phénoménales pour l'époque en termes justement de vitesse maximale à toutes les altitudes ainsi qu’ascensionnelle et de plafond opérationnel... Le F-104 pulvérisa d'ailleurs plusieurs records dans la seconde moitié des années 50: Altitude, Vmax, taux de montée (On en fit même plus tard équipé en sus d'un moteur fusée et d'autres joyeusetés un avion école pour les astronautes qui allait tutoyer les limites extrêmes de la stratosphère...)... Le Starfighter monoplace exista en six versions principales: Le A qui était un pur intercepteur par temps clair, le C optimisé pour la frappe nucléaire toujours par temps clair, Le G dont la mission principale était la pénétration nucléaire basse altitude tous temps mais qui gardait également ses capacités d'interception avec pour certaines machines une capacité de "reco" (Ce qui en faisait un appareil quasi multirôle), Le Canadair CF-104 qui était un G avec quelques particularités spécifiques, Le J qui était un G optimisé en premier lieu pour l'interception et le S multirôle qui fut la meilleure déclinaison du Zipper et celle qui fut la dernière à sortir du service en 2004... Le modèle qui nous intéresse ici soit le "G" était une évolution du "C" en service dans l'USAF qui était donc déjà un "pénétrateur nucléaire" mais qui vit sa cellule renforcée, la hauteur de son empennage augmentée, ses capacités d'emports en carburant et en armement incrémentées afin de faire de l'attaque nucléaire à basse altitude son domaine de prédilection. Il vit également son avionique considérablement "upgradée" pour lui permettre de voler de jour comme de nuit et en théorie dans toutes les conditions météorologiques. Il était d'ailleurs fort bien pourvu dans ce domaine pour son temps avec un radar NASARR capable de mode air/air et air/sol ainsi que d'une centrale inertielle (La première montée en série sur un avion de combat). On a beaucoup parlé du poids supplémentaire engendré par ces modifications par rapport aux déclinaisons précédentes mais il n'était en fait pas si important car de l'ordre de 550 kilos supplémentaires en charge par rapport à un C sans que cela ne joue d'ailleurs sur les performances de la machine... Mais, entrons dans le vif du sujet avec une première question: Pourquoi donc les Allemands choisirent-ils le F-104G Starfighter?... La réponse est d'une simplicité enfantine... Parce qu'à la toute fin des années 50 face à leur besoin prioritaire de frappe nucléaire tactique en pénétration à grande vitesse et à basse altitude par tous les temps allié au fait de garder de réelles capacités d'interceptions, il n'existait... Rien!... Sauf l'offre de Lockheed avec son F-104G! En effet, le seul appareil Européen qui eut été capable de s'opposer au Zipper grosso modo avec des performances acceptables soit le Mirage IIIE n'effectua son premier vol qu'en 1961... L'état major de la Bundeswaffe s'était bien penché de très près sur la gestation du Republic F-105D mais le programme avait pris du retard, la machine allait coûter beaucoup plus cher que le Starfighter et elle ne satisfaisait en rien le volet interception... Ce fut donc 916 (!) appareils qui furent commandés par les Allemands et qui entrèrent en service de 1960 à 1973 au sein de l'Armée de l'air mais aussi pour leur aéronavale (Basée à terre évidemment!) ... Ce nombre faramineux est d'ailleurs impérativement à prendre en compte pour l'impact psychologique des crash concernant cette machine... Cette méga commande ouvrit d'ailleurs la voie à d'autres concernant les nations de l'OTAN: La Belgique, la Hollande, le Danemark, la Norvège, l'Espagne, la Turquie, la Grèce, l'Italie commandèrent également des F-104G! Le Canada y appliqua certaines modifications et créa sa propre sous version du G. Il fut également fabriqué sous licence par les Allemands bien sur mais aussi par les Belges, les Hollandais ainsi que les Italiens (Qui en extrapolèrent ensuite leur propre déclinaison, le S)... Le premier marché du siècle était né... Pour résumer, ce que les Allemands demandaient prioritairement au "Zipper", c'était de voler très vite, très bas, au plus court jusqu'au point de largage de la bombe nucléaire tactique qu'il emportait, le reste était très secondaire même si son profil de mission s'élargit ensuite avec le temps... Deuxième question: Les pertes en "Zipper" de la Bundeswaffe furent elles si effrayantes qu'on a bien voulu le crier à l'époque? Oui si l'on regarde le chiffre brut soit 291 machines... MAIS en 29 ans de service et sur 916 appareils! Soit un taux d'attrition de 31,8%... Tout à fait dans la moyenne de l'époque... A titre de comparaison, le taux d'attrition du Mirage IIIE durant sa carrière dans l'AdA fut de 28,6%, celui du Mirage IIIC, qui était un pur intercepteur, de 48,3%!... Pour les F-104G équipant les autres nations, ceux qui payèrent le plus lourd tribu furent les Canadiens avec 46%, eux ne firent pas de scandale, ils avaient malheureusement l'habitude avec d'autres types de machines et il est à noter que la majorité de leurs pertes se produisit en centre-Europe tout comme les Allemands (Nous verrons pourquoi plus loin...)...Autres exemples, Les Danois perdirent 28,6% de leurs F-104G, les Grecs 23,3% et les Espagnols... Aucun! Troisième question: Pourquoi tant de morts chez les pilotes Allemands?... Il existe plusieurs réponses... La première est une évidence: Les conditions d'emploi! Voler à plus de 500 nœuds à une altitude dépassant rarement les 650 pieds, à fortiori de nuit, en pleine crasse du climat pourri de l'Allemagne du Nord, au dessus de la Baltique ou près de la frontière de l'est ne laissait qu'une marge d'erreur extrêmement faible et un temps de réaction face aux imprévus quasi insignifiant... Les Canadiens firent exactement le même constat avec une machine quasi similaire sur le même théâtre d'opération... Je rappelle que les radars de suivi de terrain n'existaient pas alors...Je me souviens d'ailleurs du témoignage d'un pilote de Mirage IIIE de l'AdA qui expliquait que lors de ses entraînements dans les mêmes conditions, la charge de travail pour le "cocher" était telle que c'était à chaque fois proche du suicidaire... Autre aspect rarement évoqué, la "marche" considérable en terme d'exigence de pilotage face aux performances du Starfighter à laquelle les jeunes pilotes de la toute récente Bundeswaffe eurent à se confronter dans les débuts en sortant du F-86F ou K ainsi que du F-84F ou G (Qui n'étaient pas réputés pour leur nervosité!)... D'autant plus que les pilotes Allemands volaient plutôt moins à l'année que leurs homologues des autres nations majeures membres de l'OTAN... Le "Zipper" n'était pas un avion facile et pardonnait beaucoup moins que les machines précédemment évoquées, c'était certes un vecteur très performant en terme de vitesse et de puissance ainsi qu'une plate forme de tir très stable (C'est aussi pour ça qu'il avait été choisi) mais également un changement complet d'univers et de braquet... Son système de volets soufflés à l’atterrissage du fait de sa vitesse d'approche élevée due à son envergure réduite, son J-79 des premières séries parfois capricieux (Comme beaucoup de réacteurs à cette période...), sa tendance naturelle au cabrage, sa vrille très particulière, son rayon de virage important n'en faisaient pas un appareil à la portée de n'importe quel pilote... Surtout dans le contexte de mission que j'ai déjà décrit! Hartmann, le top scorer de la deuxième guerre mondiale, membre de la nouvelle Bundeswaffe l'avait d'ailleurs parfaitement compris et s'opposa à Gunther Rall, l'autre top scorer de la Luftwaffe, responsable du projet F-104 au sein des forces aériennes de la RFA... Il savait que la "casse" allait malheureusement être une triste réalité... Dernier facteur aggravant: La maintenance... En effet, comme beaucoup de ses contemporains, le Starfighter, surtout dans cette version évoluée, exigeait un suivi exigeant dans ce domaine et un niveau de compétence irréprochable... Or, la très grande majorité des techniciens qui assurèrent la maintenance des avions étaient des appelés dont l'encadrement par des pros était plutôt réduit avec pour conséquence des erreurs ainsi que des "oublis" nombreux... Enfin, paradoxalement, je ne parlerai de la polémique sur le siège éjectable qu'en dernier lieu... Il y eu trois types de sièges sur le "Zipper", le premier, un Stanley hydraulique, qui équipa les A éjectait vers le bas afin d'éviter l'empennage en T du fait de son manque d'accélération. Ce n'était pas vraiment un problème dans la majorité des cas puisqu'il concernait un intercepteur haute altitude... Le deuxième, un autre Stanley, le C-2, était lui à propulsion par fusée et s'éjectait vers le haut, c'est lui qui fut monté sur les C et les G en première monte... Là aussi, il y eut beaucoup de médisances médiatiques sur la chose: Ruptures de cervicales et autres sorts peu réjouissants... Le seul problème est que les Canadiens utilisaient exactement le même sur leurs CF-104, je le rappelle dans une majorité de missions similaires, et que pour 79 éjections tentées, 72 virent le fonctionnement du siège remplir parfaitement son office... Des Martin Baker Mk.7 furent toutefois montés en rattrapage sur les machines Allemandes sans que cela ne change en rien les statistiques de mortalité... Alors... Au final... Clairement justifiée la médisance constante sur les Zipper Teutons et par ricochet sur l'ensemble des versions et de la vie de cet avion?...Pour moi clairement non!! Je conclurai par deux choses, la première c'est que les faits Allemands concernant le F-104G tournèrent vite en querelle politique qui fit les choux gras de beaucoup de monde, l'opposition de l'époque, la presse, les tribunaux... Il est par contre incontestable que des "pattes" avaient été graissées par Lockheed, mais rien "d'extraordinaire" sous le soleil des très gros contrats d'armements... Le monde des affaires n'est pas le pays des Bisounours et est-il utile que je rappelle par exemple plus récemment chez nous le scandale des frégates de Taïwan ou des rétro commissions lors de l'acquisition du Leclerc par les EAU?.... La deuxième et j'en finirai là, c'est que lorsque les pilotes Italiens posèrent les roues des trains d’atterrissage de leurs F-104S sur les pistes pour la dernière fois, ils avaient les larmes aux yeux et qu'ils firent assez longtemps la gueule lorsqu'ils passèrent sur les F-16A loués aux Américains pour effectuer la jonction avec l'arrivée des premiers Eurofighter!... Certes, la vie était considérablement facilitée et bien plus confortable, mais le sentiment de chevaucher un dragon à chaque vol et d'être un vrai héros sévèrement "burné" avec ce que cela pouvait procurer de jouissif avait en partie disparu.... Alors, par pitié, lors de vos prochains commentaires concernant une publication sur le "Zipper", mollo les basses et un peu de respect pour cette putain de machine que j'adore! Merci d'avance!...

 

Merci à Jean-Marc DECLUNY pour cet avis très documenté

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Richard FEESER

Bien découplé et passionné d'aviation
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